TOUCHE PAS À MON POGNON ! par François Leclerc

Billet invité.

À qui faire confiance quand il s’agit de son argent ? À force de défrayer la chronique, et d’avoir acquis une mauvaise réputation solidement établie, les banques n’ont plus en Allemagne la cote qu’elles avaient. Y déposer son argent n’est plus comme avant, une garantie.

Dans un pays où les espèces sont encore utilisées à 80% pour les transactions courantes, l’attachement à « l’argent liquide » est resté tout puissant. Les cartes de débit ou de crédit ne sont pas fréquemment utilisées dans la vie de tous les jours, les dépôts bancaires sont importants.

Il y est enregistré une forte augmentation de la demande de coffres-forts individuels, des déposants choisissant de conserver leurs espèces par devers eux en vidant leurs comptes. La décision d’une petite banque bavaroise de taxer à hauteur de 0,4% les dépôts au-delà de 100.000 euros a conforté les inquiétudes de ceux qui s’attendent à devoir payer leur banque pour y déposer leur argent, celles-ci répercutant sur leur clientèle la logique des taux négatifs dans laquelle elles sont inscrites. L’ampleur du phénomène n’est pas connue.

Il s’observe à une autre échelle, au niveau des entreprises. Le réassureur Re s’est engagé depuis deux ans dans une voie alternative aux dépôts bancaires, stockant sa trésorerie plantureuse en faisant l’acquisition de barres d’or, un actif particulièrement liquide. Cette année, il a annoncé conserver dans des coffres la somme de 20 millions d’euros en espèces.

D’autres signaux sont venus donner l’alerte. Il est question d’interdire en Allemagne les transactions en liquide de plus de 5.000 euros, et la BCE est suspectée d’avoir l’intention de supprimer à terme toutes les espèces, après avoir commencé par les billets de 500 euros. Des économistes sont par ailleurs favorables à une telle disparition, qui permettrait d’assujettir à un taux négatif l’épargne des entreprises et des particuliers tant qu’elle n’est pas investie dans des actifs financiers. D’un certain point de vue, on en viendrait à prendre le chemin de l’instauration de la monnaie fondante chère à Silvio Gesell, dont il s’est fait le théoricien et le propagandiste.

Selon le Wall Street Journal, qui consacre un article à la question, un groupe d’activistes demanderait que l’existence des espèces soit garantie par la Loi fondamentale allemande (la Constitution), avec comme argument qu’elles seules garantissent que leur utilisation ne peut être tracée et qu’elles représentent ainsi un rempart à la vie privée, une question à laquelle les Allemands accordent une grande importance en raison de leur histoire.